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livres Valérie Colette-Folliot L'Apesanteur dansée ou le Corps dansant glorieux - tome 4


L'argument

Pour une esquisse du concept de corps-esprit au risque des arts du mouvement, ce livre présente une sémiologie du spectacle vivant théâtre-musique-danse. L'auteure Valérie Colette-Folliot y réunit ses conférences prononcées au conservatoire de Rouen en 2023-2024, adjoignant à son opus deux contributions, l'une d'Aurélie Allain et l'autre de Myriam Morvan, pour la qualité et l'enjeu pédagogique de l'ouvrage collectif à caractère didactique et expérimental ainsi que décidé, en 2015, lors de l'attribution d'une bourse d'écriture à Valérie Folliot par le centre chorégraphique national de Caen en Normandie, direction Alban Richard.

La question générique de l’être-là rêvé/imaginé, dansé/dansant, joué, mis en scène, exécuté, éprouvé est ici appréhendée tout spécifiquement, en l’occurrence sous l’angle transversal des écritures dramaturgiques et sapientiales. Au feu d'une musique dans l'harmonie des sphères, L'épaisseur du geste tome 4 de L'Apesanteur dansée ou le Corps dansant glorieux examine la portée, la visée, l'envergure du jeu des acteurs comédiens, musiciens, danseurs, au risque de la présence scénique qui fait le charme et l'aura des productions.

Ainsi est abordée au fil du temps et à travers les âges, la représentation théâtrale, scénique et spectaculaire, qui se voit traverser les périodes historiques et les époques esthétiques ayant fait du théâtre occidental ce qu'il est, au cœur de l'histoire. En plongeant ses racines dans la fabrique de l'homme occidental, d'après ledit concept de Pierre Legendre, la conscience du corps s'aiguise via la phénoménologie que les artistes de scène explorent dans l'être-au-monde, engageant avec eux dans l'aventure sémiologique les spectateurs, d'où s'ensuit la valeur ontologique du Je dépeint tel un bas-relief sculpté par le mouvement orchestique du cœur, les gestes portés de l'intérieur par la puissance du désir et le pouvoir des images.

Introduction à la condition divino-humaine qu'offrent de vivre l'imaginaire et la fantasmagorie du jeu masqué au travers des travestis, types et archétypes ; ceux-ci ramenant la personne en question aux menus plaisirs en tant que tels, divertissement mais transfiguration, illuminations multiples et diverses correspondances de la persona réelle, imaginaire, symbolique, sachant entretenir des liens étroits avec le signe de l'humain ; ce qui revient à se mesurer in fine aux feux de la rampe soit la vie et la mort de l'allégorie personnifiée dans l'envol même d'Icare.

Se faisant jour, l'extase ou la jouissance prennent part dès lors que le moment se fait plus grand que soi, littéralement magistral, motif poétique et thème récurrent comme une obsession, un leitmotiv. Surgissant du tréfonds, un je ne sais quoi ou presque rien fait se muter l'ouvrage en œuvre d'art, le moment en monument se permutant parce que chefs-d’œuvre s'avèrent lesdites pièces en transmutation.

Pure œuvre de l’esprit ; l'ouvrage devenu à lui-même immanence-transcendance, le sensible et l'intime opèrent de conserve dans l'immatérialité de l'âme, l'art de la représentation développant sa roue à la lisière de la pesanteur et ses lumières justement visitées avec soin, et goût, sous le poids de la passion s'accusant à l'extrême, le fait de n'être autre, tout autre, encore et encore ni toujours à l'effigie sur les planches et à l'écran.

Mais, observons maintenant combien la beauté du geste ravive les couleurs de l'arc-en-ciel dans le sentiment d'amour accentuant l'impression d'être présent à soi, vivant, sensible soit tout simplement là, à l'écoute. Car, disait le poète : "un coup de dés jamais n'abolira le hasard" (Mallarmé). L'épaisseur des choses faisant les jeux, le geste mène la danse comme par devers soi, les uns et les autres...

 

L'extrait

… montrer et démontrer combien la scène de théâtre et le spectacle vivant se définissent par rayonnement en obliques. Effectivement, l’âme se manifestant à la fois dans la production de signes (poièsis) et par dévoilement du signe de l’humain (alethèia), là où il y a corps en scène, se révèle à lui-même l’enjeu. L’aura surmontant la figure, la mimésis et la catharsis se nimbent de magie et de secrets. Par suite, la logique du sensible et l’intelligence du corps s’exercent avec éloquence, habileté, dextérité, sapientia et maestria subsumant l’épaisseur du geste dans l’épanchement : enchantement du geste juste à l’appui du beau geste, le bon, en valeur ajoutée du discours, le logos n’ayant de réplique que par la grâce… Paroles de vérité, pensées incarnées, corps parlant quelle que soit la partition ou bien le texte ; le verbe et la verve transitent dans le filtre du corps sans autre raison ni considération que la forme en sa consistance comme s’épouse le film de la voix, ce qui suffit à amplifier le plus précieux qui soit en arts du spectacle, l’émotion via le jeu et l’interprétation, l’artiste en délicatesse révélant la fragilité de la personne humaine.

     Ainsi incarnée, la scène représente dans le grain de la voix le phénomène-évènement à fleur de peau qui gagne les jeux masqués en faisant sentir et ressentir la présence-absence. La chose posant question, irrésolu reste et demeure entier le problème, la reproductibilité des œuvres d’art étant un sujet sensible comme l’explique Walter Benjamin à propos de l’aura. Aléatoire s’avère consécutivement l’industrie du spectacle en regard des entreprises culturelles qui gouvernent ce théâtre, la fabrique occidentale. Certes, théâtre, mais spectacle vivant. Alors, qu’en est-il du corps-âme-esprit ? Sur les scènes, qu’est-ce que la scène amoureuse ? Pourquoi le sentiment d’amour ? Comment s’effectue l’élévation des esprits par le corps ? Une vie de bohème, la belle vie dans l’envol toutes envolées. Sous les feux de la rampe, impossible de ne parler ni de voyage ni de migration, d’invitation ou de transmutation, d’alchimie et de magie au temps suspendu. En l’occurrence, dans quelle mesure et en quoi les arts du spectacle relèvent-ils in fine de l’insaisissable ? A l’heure des programmations, s’enflamment et s’embrasent aprioris et jugements convoyant patrimoines et répertoires, parcourant tradition et modernité, texte contre texte, de lettre en lettre pour preuve et démonstration, épreuve/contre-épreuve. Missives a fortiori là, déjà-là, denses et intenses, comme la plupart du temps la tabula rasa par peur du vide remet en question le sujet-objet.

     En voici les prémices et données ; en voilà les hypothèses à l’adresse des uns et des autres… Mais c’est à la lumière des humanités chorégraphiques que les écritures dramaturgiques signent ces réminiscences et émanations, danses sapientiales en rémanence et résilience se condensant au point de non-retour qui déclenche le plus surprenant des jaillissements vibrant au signal des beautés du théâtre. L’épaisseur du geste décrit en ces lieux et figures le talent de l’acteur vivant son jeu virant au sublime et magnifique envol dans une recherche organique, virevoltant avec légèreté en réponse initiatique engageant le spectateur dans une sorte de corps dansant frénétique, fougueux comme exalté par une force occulte libérant les impressions oratoires transfigurées ouvertement dans la nuit. Sur la trace des cœurs repoussés au fin fond de soi-même, le corps de chair, ce corps de mort, en vertu du corps de gloire progresse en premier de cordée, sans rappel, l’éphémère se faisant instant d’éternité. Effectivement grand, plus grand que soi est le moment du geste par biais, états du monde, qualités de corps, quantité de gestes y compris, vol d’Icare ; l’élan dans la chute se muant, la démarche pendant l’envol ramène à l’ombre du 4e mur ce 3e œil, comme à 2 pour 1 image en l’instance qui se reconnaît de l’homme et de la création, son indivise projection de soi, écriture une et plurielle, singulière, unique et multiple ipso facto lectures et assises du corps, écritures de soi. Réalités attestées dans la vérité du corps, les paradoxes de l’acteur-spectateur font le tableau et la peinture de l’intérieur alors que les arts du spectacle émanent en son âme et conscience, l’œuvre d’art naissant du dialogue à une voix portée par le mouvement pressant de la pensée auratique. L’épaisseur du geste opère donc bel et bien en agent direct du cœur. Ici et maintenant : lever de rideau sur la scène amoureuse, le sentiment d’amour s’étirant indéfiniment en passion de n’être autre que soi, spectacle des profondeurs, entrée dans la danse, mais théâtre simul et singulis, musique des sphères, certes, jeux, paroles de corps/corps parlant.

 

 

Données techniques

Valérie Colette-Folliot
L’Apesanteur dansée ou le corps dansant glorieux
L’Épaisseur du geste - Tome 4

avec les contributions de
Aurélie Allain, musicologue, bibliothécaire du conservatoire de Rouen (CRR)
et de Myriam Morvan, philosophe, professeur agrégée au lycée Jeanne d’Arc de Rouen
Essai
Collection Pointe
228 pages
Parution le 15 décembre 2024
20 euros
ISBN : 978-2-491991-28-9
ISSN : 2427-0067

 


Version papier : 20,00 EUR



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