L'argument
Au cœur de notre réflexion, l’on trouve les problèmes du langage de la danse d’où nombre de questionnements s’ensuivent,
questions toutes relatives au corps dansant. Considérée du point de vue de l’univers de représentation, la danse se donne en signe transcendantal
par la poésie des choses, la poétique de la danse théâtrale se retrouvant confrontée aux domaines scripturaux et scripturaires, aux écritures,
a fortiori chorégraphiques. Cet axe de recherche conduit à traiter, en l’occurrence, de la notion de corps dansant glorieux,
problématique qu’il convient de resituer dans son continuum, ses contextes historiques et esthétiques. Intertextuelle, au fil des siècles,
entre les XVIe et XXIe siècles la danse savante se constitue
a priori en visions du monde.
Le statut du corps en Occident étant conditionné par des modèles dont, tout spécifiquement, la figure christique, sa compréhension du temps reflète les pouvoirs en place, spécialement et plus particulièrement la pensée judéo-chrétienne, une loi du corps en regard de l’Éternité d’où cette idée de salut qui se traduit par le sentiment d’amour, la théopoétique du corps de mort et de gloire. Dogmatisme au travers des funérailles, régulation et réglementation du passage entre les âges de la vie, l’Église s’administre en instance prédominante depuis deux mille ans d’histoire culturelle. De la sorte, tout au long du Moyen-Âge bien sûr (cette période étant celle de l’évangélisation), sous l’Ancien Régime (l’époque monarchique tendant vers l’absolutisme), et toujours aussi symbolique en cette Époque contemporaine (temps réservés à une laïcisation et une désubstantialisation des pratiques corporelles, physiques et athlétiques, lesquelles comprennent autant les sports que les danses), ainsi l’art chorégraphique met-il en perspective l’image de l’Infini en lui donnant chair et corps, restituant au symbole sa sève, son énergie.
Les ressorts du corps dansant emploient-ils des techniques d’ordre rhétorique ? Les stylistiques par lesquelles, jusqu’à ce jour – les années 2000 –, l’histoire de la danse et du ballet en Occident prête au corps en élévation ses configurations théâtrales, nous permettent d’envisager et de remonter les chaînes de marquages qui fondent le jeu dansé et glorifient même la personne.
L'extrait
Étant donné son champ d’acceptions, action réelle et concrète, suite véritable
et vraie, en chair et en os, la danse se distingue des autres arts ; ce par quoi la
materia spiritualis ajoute à l’intelligence du coeur : la poésie du sensible. Ame
matérielle, poétique, le corps dansant apparaît cependant tel quel, corps glorieux.
Etre. Tenant lieu en puissance d’éthique et de métaphysique si le geste n’amenait
la danse à son propre mouvement, en quoi le ballet se fait-il révélation ? Mais,
l’être dansant l’incorporel attendu le dévoilement, l’écriture arrive là où il y a
processus d’élévation comme il y va du texte et de la texture, en l’occurrence ce
sur quoi porte la lumière. Immatérielle optique divine, police du regard béatifique,
lesdites écritures aiguisent l’immanence-transcendance, l’absence – présence à
visage humain. Ainsi du divin sujet de la danse qui en émane. Contre-points bien
particuliers du fait chorégraphique qui ramène son objet à l’aune de l’image et
de la voix, à sa ressemblance le corps danse, la chair recouvrant une dimension
ontologique. Or la soudaineté du champ s’y découvre signes quand l’âme se
manifeste à l’heure où se réfléchit l’homme en personne. Et les mots et les choses
se mettent alors en acte par l’élan-réceptacle. Corps en jeu, enjeu du corps faute
de Livre, la danse théâtrale présuppose une intertextualité. La chorégraphie
n’en serait-elle donc pas la mise en abyme ? Dialectique sous la métaphore du
pas-différent comme le suggère Pierre Legendre, danse et légalité du manque
conduisent au face-à-face comme un pas de deux sans miroir, l’être-vu qui se
voit étant au-delà du regard édictant sa matière spirituelle au corps glorieux :
l’apesanteur dansée, entre spiritualité et théâtralité de la danse.
Données techniques
Valérie Colette-Folliot
L’Apesanteur dansée ou le corps dansant glorieux
Théâtralité et spiritualité - Tome 2
Essai
Collection Pointe
150 pages
Parution en mars 2017
20
euros
ISBN : 978-2-919483-419
ISSN : 2427-0067