Attention à l'attention ! Tel pourrait être le premier enseignement de ce livre. Formule paradoxale qui vient interpeller nos modes de pensée. Car nous en sommes certains, c'est en faisant bien attention à ce qu'on fait qu'on obtient le meilleur résultat. Pourtant les exemples ne manquent pas, qui montrent que trop d'attention - que nous nommons concentration - peut aboutir à manquer l'objectif visé, dans nos actions matérielles mais aussi dans nos projets de vie. Car il existe aussi une activité inconsciente de l'attention, invisible pour nous tant elle est intégrée à notre vécu habituel. Elle est alors incontrôlée et mal dirigée, et source d'effets dévastateurs. Ce mauvais usage s'exprime en effet toujours dans une fixité mentale qui nous enferme et se manifeste par des échecs récurrents, du stress, des douleurs physiques, un mal de vivre. Ce livre propose, à partir d’exemples, d’apprendre à reconnaître en soi les mécanismes potentiellement pervers et déstructurants de l’attention afin de lui redonner son rôle d'échange flexible entre corps et pensée, permettant d'agir de façon plus juste. Faire « attention à l'attention », c'est se méfier de son fonctionnement inapproprié, mais aussi lui porter un regard - une attention adoucie – qui lui donnera sa place réunifante en vue d'un mieux-vivre.

 

 

Sans en avoir conscience, nous utilisons en permanence notre attention. Quand des pensées nous viennent, c’est elle qui discrètement, nous a tournés vers celles-ci et a fait nous y arrêter, quand notre regard s’arrête sur quelque chose, notre attention a été retenue, nous amenant à fixer électivement ce quelque chose, et à nous y intéresser. Mais aussi, c’est elle que nous mobilisons quand nous voulons réaliser quelque chose, atteindre un but. Nous disposons ainsi d’un rayon dirigé vers l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de soi que nous promenons le plus souvent non consciemment, le laissant agir de façon, hélas, souvent hasardeuse. Il est donc tout à fait pertinent de faire attention à l’attention, et de se méfier de la façon inconsidérée dont nous l’utilisons. Peut-être même ne serait-il pas sans intérêt d’apprendre à mieux la diriger plutôt que de la laisser divaguer dans un mode de fonctionnement qui trop souvent, comme nous allons le voir, nous dessert. Comme tout rayon, l’attention possède deux extrémités : l’une part de soi, l’autre part de ce qui est visé ou touché. C’est un lien permanent qui nous relie au monde et à nous-même. Tout serait pour le mieux si ce rayon ne permettait pas un double sens de circulation : soit centrifuge, de soi vers le dehors (viser), soit centripète, du dehors vers soi (être touché). Les effets du sens que nous lui laissons prendre sont radicalement opposés ; centrifuge, il projette vers le dehors ce que nous cherchons, voulons, assurant le contrôle de ce qui doit se passer, tel que nous voulons que cela se passe – le « qui » chargé de toutes ses valeurs, ses croyances, ses habitudes, ses obsessions que nous nommons pompeusement « personnalité » – ; centripète, il nous permet de nous laisser toucher, moduler, modeler par ce qui nous vient de l’extérieur. On le voit, l’un assure le maintien, affirme la permanence et la reproductibilité, quand l’autre ouvre à l’adaptabilité, la flexibilité, introduit à l’impermanence.

 

 

Jacques Gaillard
Les pouvoirs cachés de l'attention
Agir utile
Collection Réveil-Matin
94 pages
Parution le 25 Avril 2024
15 euros
ISBN : 978-2-491991-22-7
ISSN : 2727-7631