L'argument
Pour échapper au désespoir de vivre avec une mère caractérielle, inconsistante et insensible, Arthur se construit un univers parallèle peuplé de personnes dont il est le souverain absolu, féroce et contre lesquelles il peut exercer toute sa perversité. Avec un acharnement obsessionnel il poursuit sa quête de reconnaissance mais ses demandes inassouvies se trouvent irrémédiablement vouées à l'échec. De là à ce que cet amour se transforme en haine, il n'y a qu'un pas. Arthur ne peut atténuer sa douleur et ce manque intolérable qui frappe sa chair que dans l'exercice jouissif et habile de ses mains qui vont lui servir à perpétuer des châtiments vis-à-vis des êtres faibles qu'ils côtoient. Sa colère et sa rage ne vont faire que croître au fil des ans pour ce monde qui ne lui apporte aucun réconfort et aucun sens. L'autrice nous dresse avec effroi, talent et par une logique implacable tous les mécanismes psychiques qui vont construire et faire d'Arthur l'être dissocié et inhumain qu'il va devenir. Par un jeu d'aller-retour subtil de tous les moments marquants de la vie du jeune garçon puis du jeune homme qui se confrontent tout d'abord avec ses petites camarades de cours d’école puis avec ses amies adolescentes au lycée, Laure Beaudonnet qui signe ici son premier roman arrive par petites touches successives à nous faire rentrer dans les méandres troublés de ses personnages. Elle nous décrit la difficulté fondamentale des adolescent(e)s à trouver une place dans une société bien-pensante où la réussite est déjà écrite à l'avance; un monde qui privilégie l'apparence au détriment des valeurs et d’une éthique de l’être. L'identité familiale reste le coupable numéro un des failles qui semblent se perpétuer de génération en génération sans que rien ne puisse freiner le processus inéluctable des implosions intérieures si ce n'est toutefois l'adoucissement par la tendresse et le respect quand on a la chance de les rencontrer sur sa route. Ce roman très prenant, cinglant, glaçant, sans langue de bois et mené par un tempo rapide et haletant nous fait réfléchir à notre part d'amour et de responsabilité à tenir, de l'importance des liens et de la fragilité des jeunes en devenir.
Florence Issac, autrice
L'extrait
Comme un rituel un peu mystique, il palpe ses joues, tire dessus pour valider l’authenticité de son existence. Peut-être n’est-il qu’un fantasme, une entité errante que personne ne peut ni voir ni entendre. Peut-être même qu'il aimerait ça. Il s’observe dans le miroir, ouvre grand ses yeux et fixe son reflet. Peu à peu son visage de chérubin se déforme, se floute. Ses yeux prennent la forme de deux cratères sombres, comme deux grosses masses au milieu d’un cercle blanc redessiné par les ombres. Un personnage émerge de ce cérémonial, une figure obscure, avec des cornes naissantes sur le haut du front -il n’a pas cligné les yeux depuis plusieurs minutes. Il voit se dessiner un monstre douloureux dont il ne saurait dire s'il dort en lui ou s'il apparaît par illusion d’optique.
Données techniques
Laure Beaudonnet
Arthur, son ange
Roman
Collection Pioche
128 pages
Parution en Juin 2020
14 euros
ISBN 978-2-919483-81-5
ISNN 2118-0458