L'argument
Si ce récit, inspiré d’une expérience professionnelle de l’auteure, témoigne d’une tranche de
vie dans une maison de retraite, il est avant tout un hymne à la vie et à ses fenêtres, entre-
ouvertes sur des réflexions variées, telle que notre société comme elle va et ne va pas, les
relations humaines, notre relation au temps, nos émotions, nos grandes et petites
contradictions.
L’histoire se situe à Bruxelles où Jeanne, suite à l’AVC de sa mère, Hélène, “place” celle-ci
dans un home. Ce bouleversement sera l’occasion, pour les deux femmes, de faire des va et
vient entre le présent et le passé ; un retour aussi sur soi où le futur apparaît en pointillés et où
la vie trouve une tonalité plus juste, tissée entre ombres et lumières, raison et sentiments,
dérision, amour, et humour. Selon la voix de la mère ou de la fille, les chapitres alternent avec
une narration propre à chacune, où toutes deux se font écho tout en tendant à dessiner leur
« Carte de l’univers » ou « Intérieur complexe » ; bref, à rendre à l’individu qu’est l’homme,
sa note unique.
L'extrait
VOIX FILLE
"Elle songe à la vie, à ces pas, ces jours, ou ces carrés, qu’on remplit le mieux possible et
qu’on pourrait rendre plus élastiques, avec des formes originales, si l’on avait plus l’audace
d’être soi-même. Toujours cette obsession dans un coin de la tête : être soi, coûte que coûte,
avec ou sans Marc. Cette résidente, soi-disant « illuminée », représentait le modèle à suivre :
enfin quelqu’un qui disait ce qu’il pensait et qui marchait haut et fort sur les qu’en-dira-t-on !
Une fois qu’on avait trouvé sa peau, on devait s’y sentir tellement bien.
A multiplier ce genre de personnes par dix, vingt, cent... comme les petits pains, eh bien le
monde aurait une meilleure odeur : celle de ces pains justement, qu’on mange croquants et
chauds. L’évangile selon sainte Jeanne : casser la croûte et s’envoyer au ciel ! "
VOIX MERE
Moi qui pensais avoir apprivoisé l’immobilité, je me bats contre elle maintenant. Elle
peut bien prendre mon corps, cette garce, et me ronger de partout, mais elle n’aura pas
ma tête ! L’intérieur est encore intact. J’y suis, j’y reste, dans cette
citadelle ! Pierre, s’il revenait, passerait sa main dans mes cheveux et me dirait : « Mon cher ange, je sens tes idées sous mes doigts, il y a un monde là-dedans qui
n’appartient qu’à toi. ». Il savait me déculotter l’âme, mon Pierre. Je veux dire, me deviner dans toute ma justesse. Sais-tu que sur Vénus, la température au sol dépasse les
400 degrés… La voix de Pierre brûlait mes oreilles, un soleil qui affleurait ma peau. Il a fallu qu’on se quitte pour garder notre amour. Lui avait compris avant moi. J’aimerais
tant suivre sa foulée, boire dans son verre, écouter nos silences. Vivre avec un artiste, ma Jeannette, c’est vivre tout court ! La feuille est tâchée, cornée, raturée, et l’on
aère l’espace à coups de vœux pour demain.
Données techniques
Emmanuelle Ménard
Les anges aussi sautent dans les vagues !
Roman
Collection Pioche
216 pages
Parution le 1er Novembre 2024
20 euros
ISBN : 978-2-491991-26-5
ISSN : 2118-0458