L'argument
La fenêtre battait lentement.
De petits souffles perdus d’un vent étonnamment doux
couraient par cet espace hasardeux.
Le bonheur. Je garde une impression de mains.
Il eut un mouvement, vers l’arrière,
le regard fixe, vers la lumière.
Je vis l’ombre qu’il tenait par la main.
Et ses yeux rieurs me rappelèrent un autre ciel.
Elle a vacillé contre un visage,
où miroitaient des traits familiers. Les traits de la mémoire.
L’esquisse d’un rêve sur mes lèvres a provoqué leur effacement.
Le soleil avait autorisé ses rayons à caresser - l’endroit.
Le contact de la peau avec l’or du ciel lui fit abandonner son corps
pour inventer d’autres fenêtres.
Des mots qui reviennent du vide, du silence. Mais un vide et un silence qui ont connu
la voix.
Les mots du vide et non pas les mots vides. Raconter l’indicible. Raconter les images de l’indicible. Le poème prend sa source avant la pensée. «
Levé avant son sens, un mot nous éveille, nous prodigue la clarté du jour, un mot qui n’a pas rêvé. » (René Char) Le poème prend aussi sa source avant le concept. L’émotion est au cœur de la perception du réel. Il y a quelque chose dans la poésie qui ne veut pas parler normalement, qui refuse l’ordre, qui a peur d’où peut conduire la langue.
Les mots du vide et non pas les mots vides, mais un élan vers l’inespéré, un mouvement de transcendance. Vers qui, vers quoi ? Le poème l’ignore encore. Et l’écoute des bruits de ce monde. La poésie se doit, par le cœur, d'enjoindre, de garder éveillé.
L’Aube, après toi, un paradoxe apparent. Quelque chose s’est refermé, sans prévenir. La vie pourra prendre toutes les formes et les déguisements qu’elle veut, revêtir diverses apparences, multiplier les illusions. Pourtant, une Naissance, l’Aube dans son sens le plus vaste et ses couleurs les plus majestueuses. Un commencement impossible puisque l’on est dans la fin d’un monde mais que la poésie, en confrontant ces deux états, rend, précisément, possible. Elle crée un lieu, un espace où le paradoxe s’efface. « L’Aube » et « la fin d’un monde » coexistent désormais sur un même plan temporel. Les ténèbres angoissées et les évidences sereines et trompeuses du jour, la mort et la vie ne font qu’un.
Dans ce balancement, le réel, un court instant, est atteint, au bord extrême du poème, dans la déchirure de la langue.
L'extrait
Je lui apporterai le soir
pour palper à nouveau
l’endroit où le temps délaisse
où la vie se condense
dans un cœur qui se ferme.
La nuit nous l’a ravi
entraînant dans la perte
un soupçon quant à l’existence de la lumière.
Données techniques
Anne-Cécile Causse
L’Aube, après toi
Poésie
Collection Ouvre-Boîtes
60 pages
Parution en Mai 2012
14
euros
ISBN 978-2-919483-10-5